Il y a 6 mois, j’arrêtais de parler à ma meilleure amie. Il y a 2 mois, je perdais mon meilleur ami d’un accident de la route. Il y a 1 mois, je perdais ma grand-mère. Et, avec cet enchaînement de traumatismes, mes émotions sont très compliquées à distinguer – voire inexistantes. Et même si j’aimerais renouer avec elles, je me sens perdue sur le plan personnel. Je voulais donc faire un article non pas pour attirer la compassion mais pour que toutes les personnes qui sont dans ma situation sachent qu’elles ne sont pas les seules. Mettons des mots sur nos maux.
J’ai toujours eu plusieurs phases dans mon appréhension de mes émotions. J’ai autant eu une période ultra démonstrative voire étouffante pour mes proches, qu’une période avec beaucoup plus de distance. Là où personnellement j’ai du mal à tout gérer, c’est qu’avec le temps je comprends mieux ce qu’il se passe et pourquoi j’agis d’une façon ou d’une autre. Et si plus jeune je me disais simplement « je suis triste », « je suis heureuse », désormais je me dis « cette action m’a blessée, je suis triste et voici les 5400 choses qui vont en découler. » Réfléchir sans cesse est un don mais aussi tellement fatiguant.
Des émotions différentes
Ce qui est compliqué n’est pas de ressentir une émotion bien distincte comme le dégoût, la colère ou la joie. Ce qui est compliqué c’est d’en ressentir 10 à la fois et de se sentir perdu. Déjà il y a 6 mois j’étais sans cesse tiraillée entre la tristesse, la frustration, l’incompréhension, le choc, la colère, le manque, le soulagement… depuis 2 mois, c’est encore plus compliqué. Parce que chacun réagit face au deuil, en fonction de la relation avec la personne, de son propre vécu et sa propre personnalité. Et c’est incontrôlable. Même si des amis me demandent si « ça va », je n’ai pas d’autres envies que de dire « oui ». D’une part pour ne pas me lancer dans de longues tirades explicatives, et de l’autre parce que techniquement j’ai un toit au dessus de la tête, j’ai la santé, mes proches… donc ça ne peut qu’aller.
Je ressens quoi ?
Ma problématique émotionnelle principale est de savoir vraiment ce que je ressens – sans blesser les autres. Moi-même je ne sais pas si je veux être entourée h24 pour combler ce manque ou seule pour ne pas avoir à user de mon énergie sociale. Une minute je veux sortir boire un verre, l’autre je ne me vois pas sans un plaid et une série Netflix. Un instant je veux partir à l’autre bout du monde changer de vie parce qu’on « ne vit qu’une fois » et l’autre je me dis que justement je serais perdue sans ma routine et mes repères ici. À côté d’un manque de lecture sur ce que je ressens, c’est comme si mes émotions étaient parties en RTT. Déjà mon conjoint m’a fait remarqué que je ne « fais attention à rien autour » – avec bienveillance bien sûr. Et c’est vrai. J’écoute les gens parler mais mon cerveau ne veut rien retenir. Chaque information me semble « futile ». Chaque mésaventure de la vie d’autrui me semble « peu grave ». Et ça m’embête. Car j’ai toujours été quelqu’un d’ultra empathique (ce qui faisait rire mon meilleur ami). J’ai toujours aimé aider les autres à régler leurs problèmes. À les conseiller – je ne pense pas être une mauvaise oreille. Mais là, rien. Mes amis m’ont aussi fait remarquer que mes démonstrations d’amour étaient plus qu’inexistantes. Et je le sais. Mon comportement a changé tel que tout ce que j’arrive à faire, c’est envoyer des vannes. Un manque de ma relation passée ? Possible.
Pourtant, j’essaie de travailler dessus. De redire je t’aime. Tu me manques. Mais c’est dur quand les personnes à qui on aimerait le dire ne sont plus là. Alors que je sais qu’avec un soupçon d’efforts de ma part, certaines de mes relations seraient exceptionnelles. Mais c’est dur. Je ne sais pas comment d’autres personnes réagissent au deuil. Ou à n’importe quel traumatisme de la vie. Moi, je m’enferme émotionnellement mais bizarrement ça ne m’empêche ni de travailler correctement, ni de passer des moments incroyables avec mes proches. Les coeurs et démonstrations affectives sont juste plus rares. Sauf quand d’un coup, mon cerveau compense ces semaines d’absence et décide que c’est le moment de dire je t’aime.
J’ai lu sur un article en psychologie quelque chose que j’ai trouvé très vrai : « Montrer ses émotions est un signe de faiblesse pour la plupart des gens. Même quand ses émotions sont appropriées face à un situation (deuil, rupture, choc, accident, etc.). On aura tendance à admirer une personne qui ne pleure pas, et dire d’elle qu’elle est digne ou encore forte. Pensons-nous réellement que le courage se mesure à l’absence d’affect ? » Le rapport au traumatisme est parfois dicté par la société, et je trouve ça dommage !
Je me sens comme Stitch : je n’ai l’énergie de penser qu’à des choses qui me font plaisir… mais je redécouvre les émotions basiques de l’amour, l’écoute et l’empathie grâce à mes proches. 🌺
Que faire pour aider un proche qui se sent perdu ?
Je me doute que ce n’est pas simple pour les proches de personnes endeuillées non plus. Ou pour les proches de personnes déprimées par leur travail. Ou perdues dans leur vie. Pour le coup (je prends uniquement mon exemple), il n’y a rien à faire. Simplement ne pas me demander « ça va ? » toutes les 15 minutes, parce qu’objectivement, à part dire non et partir pleurer, qu’est-ce que je peux dire ? Je me sens obligée de dire « oui ça va » mais je sens qu’en face, la réponse ne convient pas forcément. Alors le mieux à faire, c’est de changer de sujet. De parler des banalités de la vie, des voyages prévus, de l’été qui arrive. C’est aussi rester soi-même. Ne pas regarder l’autre avec un sentiment de pitié qui rappelle juste au cerveau que quelque chose s’est passé. Et continuer la vie comme elle était avant.
Surtout ne refusez pas les émotions de votre proche : si déjà lui essaie de retrouver comment les exprimer, acceptez-les.
C’est parfois frustrant – surtout si nous aussi nous sommes dans une phase compliquée de nos vies – parce qu’on se sent inutile. Moins aimé. Mais personnellement, ce n’est pas que j’aime moins mes proches, au contraire je les aime encore plus. C’est juste mon cerveau qui, pour me protéger, bloque tout.
Quoi faire pour que je m’auto aide ?
N’attendez pas que vos proches vous aident. C’est à vous seul de trouver quelque chose pour vous aider à aller mieux. J’ai listé quelques solutions que j’ai testées ou que j’aimerais tester pour aller mieux juste ici. 👇🏻
Demander à des personnes qui ont vécu ou vivent la même chose : avoir un avis de quelqu’un qui a vécu la même chose pourra vous aider à mieux appréhender vos émotions.
Être entouré : ou savoir qu’on est entouré. Prendre conscience qu’on n’est pas seul est primordial dans ce genre de situation. Et ne pas hésiter à solliciter ses proches en cas de besoin peut faire du bien.
Parler : à son conjoint, un psy, un ami de confiance. Le psy aura cette approche neutre et professionnelle de la situation.
Ne pas refuser une émotion : c’est ok de dire « ma vie est nulle », « je suis triste », « ça ne va pas ». C’est aussi ok de dire « je suis heureux », « la vie est belle », « je suis reconnaissant ». Déjà qu’elles sont dures à gérer, laissez vos émotions parler.
Éviter les situations à risque : vous savez que cette situation va vous renvoyer à votre traumatisme ? Évitez-la. Et ne culpabilisez-pas. Si vous ne pensez pas à ce qui vous fait du bien, personne ne le fera pour vous.
Accepter que c’est un cycle compliqué : mais qui dit cycle, dit qu’il y aura un moment de mieux. La vie ne sera pas compliquée pendant 40 ans. Mais une semaine par ci, une journée par là.
Trouver des activités qui font penser à autre chose : c’est la plus importante selon moi. Ce qui fait mal, c’est de penser à notre problématique. Pour retrouver ses émotions, autant en créer soi-même. En se concentrant sur une tâche précise, on ne pense qu’à cette tâche. Je sais que je suis heureuse quand : je voyage, je lis, j’écris, je fais du patin, je fais du vélo, je vais à la salle de sport, je fais des bracelets brésiliens, je bois un thé glacé, je vais manger une glace dehors, je regarde un film avec mon chéri, je fais un bracelet de perle, je fais du shopping…
En espérant que les vacances de mes émotions ne durent pas trop non plus : j’ai envie de redevenir la personne solaire, à l’écoute et intéressée que j’étais. Mais chaque chose en son temps.